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Nadia aventurière du Moyen Ouest

_MG_6549 BDcopieQuatorze heures sous le soleil brûlant. Panier sur la tête, tablier à carreaux jaunes et thermos à la main, Nadia arrive sur la place principale d’Ampasipotsy pour vendre quelques produits maison : tasses de café, galettes de riz, arachides, bananes, etc. En cette fin de saison sèche, ce petit commerce est sa principale activité. A l’ombre d’un toit de chaumes, elle raconte son incroyable aventure. Cette jeune femme au large sourire, Bertin son mari et leurs deux enfants font partie des tout premiers migrants venus ici construire leur village. Ils sont arrivés avec neuf autres familles il y a dix ans, le 4 août 1997, à l’issue d’un interminable voyage. Quatorze heures entassés dans un camion depuis Tana. Les derniers kilomètres sur la piste sont les plus longs, alternant pentes vertigineuses, tronçons défoncés et rivières à franchir. Pour passer, il faut recalibrer la piste à coups de pioche et tirer le camion embourbé à plusieurs reprises. Arrivés au pied de la colline de leur futur domaine, il n’y avait rien. Que de hautes herbes. Les trois premiers mois, les pionniers vivent sous des tentes prêtées par l’armée avant de construire de premières maisons en pisés. Celles-ci seront détruites un peu plus tard par les passages des cyclones. Pendant plus de trois ans, pour boire et se laver ils n’ont que l’eau de la rivière. A leur arrivée, la fille de Nadia et de Bertin est la plus jeune de tous. Le bébé n’a qu’un mois et tombe très vite malade. Il n’est pas le seul. Dès la saison humide, enfants et parents subissent les premières crises de paludisme, maladie endémique de la région. La nourriture manque et le Land Rover bâché de l’association ne tient pas longtemps à faire le ravitaillement. Pour ramener des provisions de Mahasolo, la commune la plus proche, il faut faire le parcours à pied, 35 kilomètres pour l’aller, autant pour le retour. La première année, les récoltes sont maigres : un peu de manioc et d’arachides. Les cultures de maïs et de légumes sont dévorées par les criquets. L’année suivante, ils dévastent 24 ha de riz, soit la quasi-totalité de la récolte.

 La vie a bien changé pour Nadia et sa famille installés aujourd’hui dans une maison en dur du village de Galgala. L’agricultrice nous entraîne dans son bas-fond par un sentier étroit en pente raide. Dans ce creux du relief, une source coule toute l’année. Nadia y cultive son riz de contre-saison et des légumes. Ce terrain d’alluvions mesure environ quatre-vingt ares. _MG_6556 BDcopieIl faisait partie de la dotation de 5 ha reçue lors de leur installation il y a dix ans. Le reste est constitué de terres de plateaux. Nadia et Bertin ont aménagé leur bas-fond en bassins disposés en escaliers et entourés de retenues de terre. Repiqué en août, le riz sera bon à récolter d’ici un mois. Nadia en attend trois charretées de paddy, soit environ une tonne et demi. De quoi faire nourrir sa famille sur un an. La grande récolte à suivre sera vendue. De décembre à février, il faudra repiquer le riz pluvial qui sera récolté en mai. Beaucoup de travail en perspective. Labourer avec les zébus n’est pas possible partout. Certaines zones trop marécageuses doivent être bêchées à la main. La famille ne suffit pas à la tâche. Elle doit embaucher des salariés pour le travail, payés 2 000 ariary par jour (un peu moins de un euro). Pour cela il faut produire, en dépensant le minimum. Depuis dix ans, aucun engrais ni produit chimique n’a été appliqué. Le sol de la partie haute de leur bas-fond commence à fatiguer. La solution, estime Nadia, serait de le ré-enrichir en y basculant de la terre prise au-dessus. Pour elle, il n’y a d’autre choix que d’aller de l’avant. Jacquot leur fils de 15 ans est au collège d’Ampasipotsy. Il veut être steward. Il devra fréquenter le lycée à Mahosolo ou Tsiroanomandity. Il faudra payer hébergement et études. Nadia et Bertin s’y préparent. Ils ont étendu l_MG_6550 BDcopieeur maison pour prendre en pension des élèves du collège. Ils ont fait prospérer la paire de zébus reçue à leur installation. Une tête a été vendue pour acheter une seconde rizière. Reste à l’aménager. Leur troupeau se résume à deux mâles pour le travail et une jeune vache pour le lait dont Nadia veut faire bénéficier ses enfants. Une idée fixe qu’elle aura mis des années à réaliser : la première femelle fut emportée dans une rivière un mois avant le vêlage, la seconde dut être abattue après s’être brisée la patte. Avec la même détermination, l’agricultrice veut développer son commerce. Elle vient de faire creuser des fosses en vue de planter une petite bananeraie. Un seul régime peut, selon elle, rapporter davantage qu’une de ses parcelles de riz. La culture est beaucoup moins gourmande en travail et le bananier retient l’humidité du sol. Et surtout Nadia pense qu’elle n’aura aucun mal à vendre ses fruits aux gens de passage. 

 Située 200 km à l’ouest de la capitale Antananarivo, Ampasipotsy est un havre de paix perdu dans l’immensité des hauts plateaux. Ecole, collège, dispensaire, église, ici l’ASA, une association malgache de réinsertion, a tout créé dans un bourg centre habité par une douzaine d’encadrants. Tout autour, des villages satellites ont essaimé. Les derniers-nés sont à plus de 20 km. Certains regroupent des familles de sans-abri reconverties à l’agriculture et installées par l’ASA. L’association a obtenu de l’état malgache le titre provisoire de propriété sur 15 000 ha. D’autres hameaux ont été construits par des paysans sans terres attirés sur ces espaces quasi vierges par le nouveau centre de développement. Ce secteur autrefois boisé est l’un des plus isolés de la région du Bongolava. Il n’est accessible que par le Nord, via une piste chaotique de 60 km où les populations se déplacent à pied et parfois en vélo.

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 Dix-sept heures, bientôt la nuit. Sur la place d’Ampasipotsy, Nadia n’a plus grand chose à vendre. Dans ce lieu devenu carrefour de passage, l’Asa voudrait développer un grand marché régional qui intensifierait les échanges et profiterait aux agriculteurs locaux. Le seul marché organisé à ce jour est celui du riz grâce au système créé par les producteurs de la zone réunis en groupement depuis deux ans. Le GPR auquel adhère Nadia compte six cent six membres réunis en quarante et une associations. Il gère trois greniers communautaires villageois. Ce système de stockage évite de donner le profit au collecteur, explique l’agricultrice. Au moment de la grande récolte de riz, en mai, les prix du paddy sont très bas, aux alentours de 400 ariary le kilo. En octobre, le riz commence à manquer et les prix grimpent pour atteindre facilement 600 ariary (2). «Si je gardais le riz chez moi, je serais toujours tentée de le vendre à vil prix car nous avons toujours besoin de quelque chose. En comparant les balances, j’ai vu aussi que le collecteur nous volait sur le poids.» Le grain confié en mai au grenier permet de bénéficier d’un crédit pour un montant équivalent. «Pour chaque kilo stocké et laissé en garantie, le producteur peut emprunter 400 ariary» explique Naivo, le superviseur des greniers. En octobre, pour récupérer son riz, il doit rembourser le même montant augmenté de 3 % de frais de stockage, soit environ 460 ariary. «S’il ne peut reprendre son riz, le GPR se charge de le vendre et lui remet le bénéfice moins un intérêt. Le résultat est toujours positif.» Le système se développe lentement. L’an dernier, 150 producteurs ont engrangé 70 T de paddy et de pois. «Le gens sont toujours tentés d’aller vers le collecteur, remarque Nadia. Il font face au quotidien puis sont obligés de racheter du riz en fin d’année.» Dans le commerce il coûte alors trois fois plus cher qu’il ne valait à la récolte.

© Dominique Martin – décembre 2007

Ce portrait est extrait du reportage visualisable ci-dessous

 

Ma ferme entreprise africaine

 

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Le Burkina Faso peut se développer avec et grâce à ses agriculteurs. Leader paysan et agriculteur hautement entreprenant, Marc Gansonré illustre et défend la vitalité de tout un peuple, qu’il suffirait d’appuyer pour soulever l’économie du pays.

Une carrure d’entrepreneur  paysan

Marc Gansonré est en plein marathon pour se monter une exploitation agricole. Il est agriculteur à Imasgo, son village natal situé à trois heures de route de Ougadougou la capitale. A la tête de vingt-deux hectares, il envisage de passer à trente-deux d’ici un an en créant notamment une bananeraie. Depuis quatre ans, il développe le maraîchage à proximité d’un bas fond. Cette dépression naturelle est noyée sous les eaux pluviales. Celles-ci sont retenues par une digue construite il y a quatre ans. Premier à s’installer sur la rive, il a encouragé de nombreux jeunes à se lancer eux aussi dans la production en contre saison (sèche) de tomates, oignons, choux, maïs, etc. Ce périmètre irrigué s’ajoute à d’autres surfaces, gagnées petit à petit. Marc excelle dans la production de semences, sorgho et niébé essentiellement. Là où les familles de paysans vivent et travaillent avec trois à six hectares, lui développe un agri business dans lequel il réinvestit les revenus à défaut de disposer de crédit abordable. Employeur de main d’oeuvre, il développe la traction attelée, la mécanisation légère, l’irrigation au goutte à goutte afin de mener de front toutes les activités de production et d’innovation qu’il conduit en parallèle. A terme, il souhaiterait développer la transformation des produits. Il milite également pour une organisation économique des producteurs, particulièrement dans le domaine des fruits et légumes. Il est le président de la filière fruits et légumes de la fédération des professionnels  agricoles du Burkina, la FEPAB, et secrétaire général adjoint de la Confédération paysanne du Faso.

Le goutte à goutte à grande échelle

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Au Sahel l’eau est rare. Autant ne pas la gaspiller, estime Marc Gansonré. En tant que responsable professionnel, il veut donner l’exemple. L’irrigation gravitaire est aujourd’hui la seule méthode d’arrosage pratiquée par les producteurs maraîchers qui se sont mécanisés à l’aide de motopompes pour supprimer la corvée des arrosoirs. Or elle est source d’un immense gaspillage. Tandis que Marc Gansonré parle, le vent qui s’escrime à couvrir ses paroles ne fait que renforcer leur teneur. L’harmattan, ce vent d’Est sec et poussiéreux venant du désert dessèche tout sur son passage. Son souffle assèche les terres, fait suer les plantes à grosses gouttes, et évapore l’eau des rigoles d’arrosage avant même qu’elle ne parvienne aux racines. Marc a testé le goutte à goutte. D’abord avec du matériel médical récupéré et bricolé. Puis en équipant mille mètres carrés. « J’ai mesuré une consommation de gasoil de quinze mille francs au lieu de quarante-cinq mille. » L’irrigation gravitaire mobilise trois fois plus les pompes. Ce d’autant plus qu’elle maximise les pertes d’eau. « Avec le goutte à goutte, on est également libre pour faire autre chose.» Marc a commandé six kits pour couvrir presque deux hectares et demi. Il profite d’un dispositif  subventionné à l’achat par l’Etat. Il a démarré la construction de bacs de décantation de trente-huit mètres cubes pour éviter que l’eau trouble du bas fond ne bouche les goutteurs de son installation. Si la ressource en eau lui semble durable, elle n’en est pas moins convoitée. Ainsi son activité maraîchère entre depuis peu en compétition avec un site minier ouvert à quinze kilomètres de ses champs. L’eau puisée à fort débit entraîne une forte baisse de niveau, obligeant les producteurs à creuser des caniveaux d’amenée de l’eau. Pour Marc Gansonré, il s’agit d’un non respect du code de l’eau adopté au Burkina. Il implique une concertation entre tous les usagers de la ressource. Depuis qu’il a démarré son activité de maraîchage, de très nombreux jeunes se sont installés eux aussi le long de la rive. Beaucoup arrivent d’autres provinces. Ils trouvent dans la culture irriguée une source de revenu plus intéressante que l’expatriation dans les plantations en Côte d’Ivoire. Marc a pu chiffrer cette activité économique très conséquente. Il l’évalue à 196 millions de francs CFA pour 2012. D’après lui, près de cinq cents maraîchers travaillent sur les six kilomètre de sa rive.

 

Commercialisation : comment ne pas rester avec nos légumes sur les bras ?

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Ces commerçants Ghanéens ont effectué plus de 1700 km jusqu’à Imasgo pour acheter les tomates en bord de champ.

 « Les prix sont le plus souvent dictés en fonction de l’offre sur le marché et du caprice des acheteurs. En particulier les commerçants ghanéens – qui se déplacent sur les périmètres irrigués – et font le marché en bord de champ. » Tandis que Marc Gansonré livre son analyse, les discussions vont bon train au pied du camion. Toute la matinée, les paysannes ont afflué de la rive pour apporter, sur leur tête, la production de leurs familles. Les tomates sont chargées dans les caisses en bois, unité de vente dont le prix a été discuté au préalable. La commerçante et ses aides, dépêchés par Marc, ont roulé toute la nuit pour effectuer plus de mille sept cent kilomètres. Ils feront le voyage retour pendant la nuit. Les tomates d’Imasgo seront sur les marchés au Ghana dès le matin.

  « Pour son développement, le Burkina doit s’appuyer sur ses agriculteurs »  

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« Quatre ministères interviennent de façon directe dans le domaine agricole. Nous avons des stratégies mais nous n’avons pas encore de politique agricole au Burkina Faso. La profession agricole souffre de l’incohérence des textes de ces différentes politiques. Le développement rural a été disloqué en séparant l’agriculture,  l’élevage et l’environnement. » Leader paysan, Marc Gansonré dénonce les incohérences des « stratégies » disparates élaborées par les instances de l’Etat dans « un pays qui fondamentalement ne peut compter que sur le développement de son agriculture pour aller vers une croissance accélérée ». Il rappelle le rôle historique des  organisations paysannes qui, face au désengagement étatique,  « ont essayé de prendre en charge le devoir régalien de l’Etat ». Devoir envers une population qui à 86 % vit aujourd’hui encore de l’agriculture. « Sans le développement de l’agriculture, il n’y aura pas de développement conséquent au Burkina (…) Notre avantage c’est une population agricole nombreuse et jeune et nous avons encore de l’espace disponible (…) Mais comment les gens peuvent avoir le courage de s’investir sur des terres sur lesquelles ils ne sont pas sûr de pouvoir rester.» Une loi destinée à sécuriser les populations paysannes sur leurs lopins fut élaborée et adoptée en 2009. « Mais elle n’est pas encore mise en application aujourd’hui. »  Le parcours professionnel de Marc Gansonré en est l’illustration même. Par deux fois dans sa jeunesse il tenta de s’installer sur des terres non exploitées. « Deux fois j’ai dû déguerpir. » En dépit des discours et des « stratégies » énoncées, trop peu d’efforts sont faits pour appuyer réellement les producteurs. « Toutes les instances crées et les politiques pour accompagner l’agriculture n’ont connu de mise en œuvre efficace dans ce pays. » Marc cite le levier de la traction attelée. D’après lui, l’essentiel des efforts pour la développer se concentrent sur les zones cotonnières. C’est négliger tout le potentiel de l’armée de producteurs qui peuple le pays. « Même en restant sur trois à six hectares comme aujourd’hui, si nous travaillions de façon intensive, malgré le changement climatique, le Burkina pourrait être autosuffisant pour son alimentation sans avoir à importer. » Cette capacité des exploitations familiales semble totalement ignorée voire méprisée. A tort. « La campagne passée plus de trois millions de tonnes ont été récoltées par les petites exploitations sur leurs superficies. L’Etat a trouvé le moyen de dire que nous les petits producteurs, nous ne sommes pas une composante performante, ni en quantité ni en qualité. Ils ont décidé d’accompagner l’agrobusiness, désigné sous le terme d’entrepreneuriat agricole. Or selon notre étude de la Confédération paysanne du Faso, les 576 exploitations agricoles d’agrobussiness existantes au Burkina Faso n’ont été capables de produire que 2,1 % de la production agricole nationale. » Parmi ces entrepreneurs à peine 10 % exploiteraient réellement les terres qu’ils ont acquis d’après Marc Gansonré. Pour lui, cet agrobusiness serait bien plus profitable au pays et à son agriculture en  investissant ses capitaux dans la transformation, la distribution, l’exportation et dans tous les autres maillons de la filière. Ceux qui ont de l’argent dans notre pays, dit-il ne cherchent pas à l’investir dans le tissu industriel. La terre n’est pour eux qu’un placement afin de spéculer sur sa valeur future. Pour la production et nourrir le peuple, la politique la mieux avisée serait de se reposer sur « ceux qui ont nourri la population depuis la nuit des temps en aidant ces familles là à se développer. » En commençant par leur sécuriser sur leur lopin par « une législation assez claire ». Et en leur permettant d’accéder aux équipements, au crédit, à la formation, et en organisant le marché. « Si on accompagnait la production de céréales comme on l’a fait pour le coton, le Burkina aurait gagné son autosuffisance. » La nouvelle loi sur les organisations coopératives ne va pas dans le bon sens pour le secrétaire général adjoint de la Confédération paysanne du Faso. Elle vise en fait à aligner le Burkina sur les modèles d’organisations tels qu’ils prévalent dans un pays comme la France. « On a oublié quel type de peuple on a à gérer. » Elle risque d’étouffer dans l’oeuf les initiatives nouvelles ainsi que les 30 000 organisations de base du pays. Chaque projet, chaque source de financement génère en fait des groupements d’opportunité. Très peu se sont organisés pour atteindre une certaine visibilité, telle la Fepab ou la FNGN. « Il faut aider les gens à mieux se structurer avant de vouloir créer des coopératives d’envergure nationale. » Or ce sont ces structures professionnelles qui portent la voix des agriculteurs face aux gouvernants. « On commence à nous écouter mais ce n’est pas encore arrivé au point culminant que l’on souhaite atteindre.

© Dominique Martin – avril 2013

 

 

Mali

> Le chemin de liberté d’un paysan du Mali. Défiant la tradition de son ethnie et déjouant les vues de sa famille, cet homme aujourd’hui à l’aube de la soixantaine a pris en main son destin en devenant agriculteur. Producteur de riz sur la zone irriguée gérée par l’Office du Niger, il se retrouve rapidement à la tête du premier syndicat de producteurs jamais constitué sur ce périmètre d’un million d’hectares. Pour y mener des luttes qui perdurent à ce jour afin de développer et conforter une agriculture familiale. Découvrez son portrait ici

> Éleveur de la région de Mopti, il fut dès sa jeunesse un militant engagé pour la démocratie dans son pays.  Aujourd’hui il se bat pour préserver l’agriculture familiale et son modèle d’organisation de la société  face aux intrusions de l’agro business et des projets de cultures OGM. Il agit également pour faire exister et reconnaître l’œuvre collective des paysans maliens en organisant  la cohabitation entre éleveurs et cultivateurs ainsi que la production de semences à partir de ressources locales. Son témoignage ici


Burkina Faso

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A la rencontre des paysans intègres

 

 

 

 

 

>Voici d’abord un personnage incroyable, animé d’une volonté farouche. Cette homme a décidé de devenir agriculteur et d’en vivre avec sa famille. Une prouesse dans un pays où le paysan n’est rien au regard de l’état. Découvrez son portrait en cliquant ici.

>Maintenant une femme exceptionnelle. Dans la province du Yatenga au Nord du Burkina Faso, partie sahélienne du pays, elle est au service des femmes de seize villages depuis vingt-cinq ans. Paysanne et animatrice elle informe et conseille pour améliorer les conditions d’existence des femmes. Des femmes qui reviennent de loin. Pour lire et écouter son témoignage, cliquez ici.

>A Titao, province du Loroum, un paysan tente d’échapper à la pauvreté pour lui et sa famille. Ici dans le Sahel, la longue saison sèche est le cauchemar d’une population toujours croissante. Comment survivre, comment améliorer les conditions de vie ? Face aux aléas, le courage d’un homme en quête de solutions à découvrir ici

>A Ouahigouya dans le Yatenga, La Voix du Paysan est la radio la plus écoutée dans les campagnes privées de télévision et de journaux. Rencontre avec l’une de ses voix féminines les plus familières, engagée dans la promotion de la femme et la résolution sociale des conflits familiaux. Lisez et écoutez son témoignage ici

>Trois femmes engagées dans un centre de formation aux métiers de l’artisanat à Ouahigouya expliquent leur parcours et leur quotidien. Productrices, formatrices, directrice, trois personnalités fortes au service des autres paysannes de leurs villages, dans le Yatenga. Rendez-vous ici

Visualiser le reportage complet paru en mars 2013

 

 

 

 

 

 

Personnages du livre

Tous les personnages dont parle ce livre sont réels. Les rencontres  se sont étalées sur vingt ans.

Presque tous sont de parfaits inconnus en dehors de leur environnement local. Dans le livre, ils sont désignés par leurs prénoms .

Seule la quatrième et dernière partie du livre passe en revue une poignée de personnalités célèbres pour avoir semé, chacune à sa façon, un regard nouveau et différent sur nos campagnes.

Voici quelques uns d’entre eux.

 

Alexandre

alexandre1 BD1copie copiePersonnalité  emblématique, il lui appartient d’ouvrir ce florilège et le livre. Quand je le rencontre en 1991 il approche doucement des quatre-vingts ans. Sa vie d’agriculteur, d’homme engagé vers le progrès, est déjà bien derrière lui. Il a laissé la ferme bâtie année après année à son fils. Alexandre et sa femme vivent dans la petite maison tout en granite qu’il a construite, lui-même, en la taillant pierre après pierre. Caractère dur, droit mais humble, marqué au coin de la religion. Alexandre a toujours vécu là, dans son petit village breton au coeur du Morbihan. Il a très peu voyagé, sauf dans le temps. En lui, le monde est resté le même. L’univers de son enfance ne l’a jamais quitté. C’est ce pays  intérieur qu’il a décidé de rejoindre avant de s’éteindre lui aussi. Maison après maison, le paysan a reconstruit son village, le monde tel qu’il le découvrit et l’imprima dans ses yeux de petit garçon. Ce pays miniature très animé dont il est le géant bienveillant est devenu son ultime activité. Aujourd’hui le village a déménagé à quelques kilomètres dans un parc d’attraction et Alexandre n’est plus là pour le faire visiter et lui donner vie. Son œuvre témoigne de la puissance des mondes intérieurs chez ces hommes du vingtième siècle, sur lesquels les temps nouveaux qui nous gouvernent n’ont aucune prise.

Henri

Autre personnage phare, Henri paysan né de l’Anjou au tout début du siècle, le précédent, l’a quitté cent-un ans plus tard, une fois le suivant bien entamé. Un demi-siècle coule avant que l’envie ne lui vienne d’écrire le roman de sa vie. Vingt-quatre livres ! Pas mal pour un paysan dont le labeur fut la seule école et qui n’eut même pas son certificat d’études. Enfant, il travaille en ferme dès l’âge de six ans. Adulte, il devra plusieurs fois reconstruire sa vie en partant de zéro. Son histoire est le récit de la quête de liberté d’un homme né sans bagage ni fortune autres que le courage et la plume.

Jules, Jean, Gaston

Ils sont les derniers artisans de leur art. Deux tonneliers, un bosseleur. Jules, Jean et Gaston sont les détenteurs d’un savoir-faire global, entier et perpétuellement créatif. Les objets de facture complexe dont ils ont le secret allient le souci de la perfection à celui de l’utilité. Ces hommes ont construit leur vie en affinant et élargissant leurs capacités. A la rigueur du travail bien fait, ils ajoutent le sens de la fantaisie et des prouesses. Ultimes témoins d’un monde pré-industriel.

Mireille

Avec elle, changement de siècle. Mireille fut institutrice avant de devenir agricultrice. Puis écrivain public en son pays. Pour cette fille d’ouvriers venue à  la campagne avec l’homme de sa vie, c’est le début d’une nouvelle existence tournée vers les autres qui la plonge au cœur de celles des autres. En écrivant le roman de familles éparpillées, elle évite qu’il ne sombre dans l’oubli et retisse des liens rompus entre générations.

Pierre

Pierre comme Mireille et d’autres, fait partie des personnages miroirs. Ce paysan savoyard venu à la photographie en campagne via les ciné-clubs a capté en d’éphémères instants la vérité d’un temps et de ses habitants. Le travail de toute une partie de sa vie, dont la matière noire et blanche tirée et révélée de toutes ces existences finit par donner forme à la sienne. Son œuvre épurée en trois cents photographies qu’il a mûrement choisies se confond avec l’accomplissement d’un homme cheminant vers son propre achèvement. Photojournaliste d’une époque révolue, Pierre finit par raccrocher ses appareils pour, trente ans plus tard, retrouver ceux qu’il avait capturés en son œil mais perdus de vue.

Joseph et Albert

Rien ne relie Albert et Joseph si ce n’est leur intimité avec un monde invisible et inaudible, inexistant au regard de tous les autres. Ils en sont les intercesseurs. Joseph exerce ses pouvoirs de sourcier en toute discrétion dans un petit pays d’élevage de l’Anjou, où la foi dans le progrès technologique et le béton n’empêchent nullement de s’en remettre à la valse du pendule. Il exerce son don en toute humilité, entraîné par les courants qui l’emportent, explorant par la surface des paysages souterrains dont lui seul admire et éprouve les champs de forces. Albert a d’autres pouvoirs non moins fantastiques. Cet architecte d’un petit pays breton transcrit par le dessin et toute autre façon d’enregistrer ce que lui confessent les objets du passé. Tandis qu’il met à nu et couche sur papier, portes ou poignées de maisons, fours à pains, loquets et autres articles de quincaillerie ancienne, jusqu’aux bancs de ferme, tout ce petit mobilier d’un monde condamné au silence chuchote à son oreille d’intimes secrets sur ceux qui le fabriquèrent.

Émile

La fugacité est le drame de toute chose qu’il nous est donné de percevoir. Plusieurs des passagers du livre, au soir de leur existence, tentent de s’y opposer, non pour se sauver eux mais le monde qui les a faits. Le héros d’entre tous est Émile. Cet homme vécut dès l’enfance au plus près de machines dont l’inhumaine mécanique martèle d’effroyables cliquetis le décompte de notre vie. Émile donna toute la sienne à les graisser et remonter, à corriger leurs caprices. Si bien, si fort, qu’il en tomba amoureux. Elles aussi furent frappées de ce mal dont elles avaient la charge religieuse de scander les coups de faucille jusqu’au plus profond des campagnes. Les horloges mécaniques de nos clochers connurent déchéance et oubli. Le cœur d’Émile ne put cesser de battre, lui horloger de son pays, après son père et son grande-père. Il se mit à sauver de vieilles compagnes, les soigner dans son atelier chirurgical. Et avec elles, tout le savoir-faire déchu qui lui échut. Par ses doigts experts, Émile devint un de ces artistes dont le génie est de boucher le trou par où le temps s’enfuit.

Jacqueline, Ginette, Betty, Catherine, Béatrice, Solange, Patricia, etc.

En campagne, rares sont les femmes qui tiennent le devant de la scène. Quelques unes sont en première ligne. La plupart sont des femmes de l’ombre. Une des quatre parties du livre  est entièrement consacrée à ces invisibles.  Issues de familles d’agriculteurs, elles ont souvent tout fait pour  échapper à ce monde de labeur, dissuadées par leurs propres mères. Elles y sont revenues en épousant l’homme, son métier et la belle famille. Quatre générations de femmes livrent chacune leur histoire, ses heurts, leurs batailles. Nous les accompagnons aussi en leur foyer,  l’univers féminin des fourneaux, territoire de liberté où, se réappropriant les nourritures issues de la ferme, elles ont toute capacité d’exercer sens pratique et créativité débridée.

Eugène

eugène2 BDEugène aurait cent ans cette année 2013. Je le rencontre il y a plus de vingt ans dans sa maison atelier au sein d ‘un bourg de campagne. Au bout de son pinceau, il croque la vie telle qu’elle s’imprima en lui , scènes fugaces des forêts de toujours, théâtre et bestiaire changeant des fermes en mouvement d’hier à aujourd’hui. La vie rurale et sa part animale furent omniprésentes dans son existence, compagnes dont il n’eut de cesse d’observer toutes les formes anatomiques. Petit garçon , ce fils d’artisan découpait des vaches blanches et noires dans le carton et boudait l’école pour les garder dans sa «prairie», sous la corde à linge de sa mère. Ce sera toute sa vie de fabriquer la vache parfaite. Le paysage des fermes laitières de sa région en sortira bouleversé. Il commence dès les années trente. A moins de 24 ans, il créé un syndicat de contrôle laitier et beurrier  de Loire Inférieure dont il est le premier et seul contrôleur. Le jeune ingénieur arpente le département à vélo. Il a bien du mal à réunir les trente élevages nécessaires à sa survie financière. Sa mère lui avance son mois pour payer son logement car souvent les fermes sont trop exiguës pour l’héberger.  Fin 1938, il ne contrôle encore que soixante vaches . Le contrôleur assiste aux deux voire trois traites quotidiennes. Il vérifie les naissances, enregistre les quantités individuelles, prélève des échantillons et les analyse sur place, au moyen d’un écrémeuse portative glissée dans l’une des deux caisses équipant son vélo. Dans ses bottes qu’il est un des rares à porter, il conseille également les éleveurs sur la sélection, l’alimentation et l’hygiène du troupeau. A la veille de l’Occupation, il visite vingt-neuf fermes pour quatre cents vaches. Presque les trente nécessaires. Ce nombre parce que le mois a trente jours et que chaque visite mensuelle prenait bien une journée. Au début des années cinquante, il n’est plus seul à visiter vaches et éleveurs. Devenu secrétaire du contrôle laitier et de la fédération des producteurs, Eugène parcourt désormais la campagne au volant de son camion-laboratoire équipé pour «la recherche des laits de qualité et l’éducation du producteur». Il projette des films et anime une équipe de femmes en blouses blanches montrant comment récolter un lait propre. Mais il a autre chose en tête. Dès la fin des années quarante, il prêche en faveur de l’insémination artificielle qui à l’époque est balbutiante en France. Accroître la production laitière des vaches, passe par des géniteurs sélectionnés plutôt que le taureau de passage. Depuis Nantes, Eugène organise la commande et l’acheminement des premières semences récoltées à Rennes. Puis il va diriger le premier centre de production de taureaux sélectionnés de Loire Atlantique dont il dessine lui-même  les plans. Le centre et Eugène seront les grands artisans de la diffusion de la race frissonne dite hollandaise dont les taureaux pie-noir d’origine étaient issus des provinces de Hollande. La vache laitière d’avenir dont Eugène tombe amoureux dès 1935  dans l’Oise. Dans cette région alors très laitière, le jeune homme découvrit des bêtes qui au lieu d’être décousues de forme,  étaient toutes bien rassemblées, profondes, épaisses, avec un bassin régulier et de la mamelle, selon ses propres termes et souvenirs. Cette vache rebaptisée Française Frisonne Pie-Noir puis absorbée dans le rameau holstein finira par supplanter les anciennes races  laitières dans tout l’ouest de la France. Ingénieur au service du progrès, Eugène gardera en lui toute la majesté de ces nantaises, maraichines et autres normandes qui pour l’éternité peuplent ses toiles.

Sophie

Il était une fois une noble bergère. Courageuse et fière. Une travailleuse du bois, foudroyée, aux jambes devenues pierre. Debout par la force des êtres qui lui sont chers. Chiens de haut lignage élevés au rang de frères. Brebis de race ressuscitée par ses ancêtres, source et but d’un retour à la terre. Sophie est une femme au parcours et à la volonté hors du commun, éleveuse pour l’amour des bêtes, sans cesser de croire en l’humaine entraide.

 

Bientôt la suite