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Faliry Boly

BZ8A3027nbdetour BDcopieVie et luttes d’un paysan

Il est né en 1950 sur les rives du fleuve Niger à Ségou, la deuxième ville de son pays, le Mali. Tout près, dans le petit village de Molodo situé à cent dix kilomètres, Faliry Boly s’est installé voilà bien des années pour cultiver le riz. Aujourd’hui, il a gagné l’âge d’entrer dans le « vestibule des anciens » selon ses propres mots. L’antichambre des ancêtres qui en cette terre africaine ouvre le droit à la parole et à l’écoute. Invité ici en Europe par quelques associations, le paysan lettré à la voix douce et calme ne se prive pas de parler. Je le rencontre un mois à peine avant l’intervention française dans son pays. Il me parle « d’occupation » pour mieux marquer les esprits C’est tout le Nord, plus de la moitié du territoire du Mali, une zone désertique mais néanmoins peuplée, grande comme la France qui est passée sous la tyrannie d’un occupant. Ce qu’il raconte ressemble beaucoup à un exode. « Des millions de personnes sont descendues au Sud dans les villes non occupées et dans les villages. Là-bas il n’y a plus d’école, ni dispensaires, ni banques. La production de nourriture décline. » Derrière la dureté du moment, se cache une autre réalité, l’âpreté du quotidien d’un peuple en grande majorité tributaire de la terre, l’énergie de son combat et la fierté des victoires arrachées pour exister, vivre et prospérer. Faliry Boly en est le héraut, le messager.

Son grand-père fut berger. Lui n’aurait jamais dû devenir agriculteur. Dans l’ethnie de ses aïeux, les Peuls, le champ n’est jamais synonyme de labeur, mais de nourriture gratuite pour le bétail. « Mon père a été mis à l’école de force. » Tel était alors le destin d’un fils de chef. Il devint fonctionnaire pour obéir à la famille, et désobéir à la France. Faliry est guidé dans les traces du père. Il entame des études à Bamako, entre à l’Ecole normale supérieure. Mais la dernière année, il s’enfuit, véritablement. Il s’échappe en Côte d’Ivoire après un crochet au Libéria. Il s’embauche comme ouvrier et trime dans les rizières et les plantations de café. « La famille ne voulait pas que je m’installe en agriculture. Alors je suis parti. » Il revient pour devenir fermier. La famille le fait commerçant. A nouveau la fuite, Burkina, Côte d’Ivoire, Libéria, jusqu’en Sierra Léone où Faliry s’embauche sous terre, dans une mine de diamants. Finalement il s’installe en mai 1986 sur un peu plus de quatre hectares. Sur un territoire contrôlé par l’Office du Niger. « Il y avait des terres disponibles j’ai pu m’installer. » Dix années plus tard, en 1997, il sera placé à la tête du premier syndicat de producteurs jamais constitué sur ce périmètre d’un million d’hectares, dont cent mille sont aménagés en réseau d’irrigation gravitaire. Le Sexagon, Syndicat des exploitants agricoles de l’Office du Niger, dont les douze mille adhérents sont organisés en 243 comités villageois et cinq sections, parle depuis cette date par la voix de Faliry Boly, son secrétaire général.

Le syndicat est le commencement de luttes qui perdurent à ce jour. Dès sa création en 1997, les producteurs font face à des importations massives de riz. Chute des prix, mévente, le Sexagon sème la grève. Faliry et d’autres sont mêmes conduits en prison. Par la suite le syndicat fait reculer le gouvernement dans son projet d’accueillir un projet d’agrobusiness contrôlé par des capitaux libyens. Faliry est aujourd’hui secrétaire d’une association regroupant plus de deux cents organisations paysannes du pays (AOPP) et à la tête d’une « plate-forme nationale des riziculteurs » . Il y défend le développement d’une agriculture familiale, conduit par les paysans eux-mêmes.

© Dominique Martin – janvier 2013

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