Tag Archives: FAO

Que la faim du monde repose en paix

Mich-Horizon145-FamineEternelle-web

Nourrir l’humanité. Dix mille ans d’agriculture, de croissance, d’explosions démographique, économique, technologique… et le problème des ventres vides reste entier. Ce 16 octobre, décrété journée mondiale de l’alimentation depuis 1979, les révélations des Nations Unies filent le vague à l’âme à la Terre entière. Dans son dernier rapport, la FAO alerte d’un revirement soudain. Après dix années de progrès contre la faim, celle-ci empire à nouveau et pas d’un peu. En 2016, le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique aurait augmenté de près de quarante millions, passant à 815 millions contre 777 en 2015. De gros chiffres durs à avaler qui, à défaut de nourrir les intéressés, alimentent les consciences sur les causes de cette dégradation. L’insécurité alimentaire s’est aggravée dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne, de l’Asie du Sud-Est et de l’Asie de l’Ouest. Les conflits locaux, et le contexte qu’ils génèrent, jouent un rôle majeur. Leur nombre ne cesse de s’accroître. La majorité des individus en situation d’insécurité alimentaire vivent dans des pays touchés par une guerre civile ou la violence constate la FAO. Les chiffres à l’appui donnent le tournis : 489 des 815 millions de personnes sous-alimentées et 122 des 155 millions d’enfants souffrant de retard de croissance seraient dans ce cas. Exacerbés par les chocs climatiques (sécheresses, inondations), ces conflits sont parmi les principales causes des crises alimentaires graves ainsi que des famines récemment réapparues. Tel est le cas au Soudan du Sud, dans le nord-est du Nigéria, en Somalie et au Yémen. Faim et dénutrition frappent plus durement là où les conflits se prolongent et les capacités institutionnelles sont faibles. Les habitants des campagnes et les pauvres qui y survivent (les quatre cinquièmes environ des personnes vivant dans l’extrême pauvreté sont dans les zones rurales) sont les premiers touchés. Tributaires de l’agriculture, ils doivent faire face aux effets conjugués des conflits sur toute la chaîne : production, récolte, transformation, transport, financement et commercialisation. La sous-alimentation est la partie émergée d’un iceberg appelé vulnérabilité. Sur la planète, plus de deux milliards de personnes vivent déjà dans un pays touché par les conflits, la violence. Les plus vulnérables de la société y sont les plus touchés. Leur nombre devrait croître avec la démographie. Divers mécanismes s’ajoutent comme la perte d’accès aux terres productives, aux pâturages, combustibles et points d’eau, l’engagement forcé ou volontaire des hommes dans les forces combattantes, les violences faites aux femmes, la désintégration des réseaux sociaux et de solidarité. L’insécurité qui en résulte peut elle-même entretenir violence et instabilité dans la durée. De même, les flambées de prix des denrées alimentaires, les sécheresses, la compétition sur les ressources naturelles, etc. Tout cela conduit au cercle vicieux de la violence : « Le monde devient plus violent, sous des formes qu’il est de plus en plus difficile de maîtriser » souligne la FAO. Alors que la plupart des pays ont pu réduire considérablement la faim et la dénutrition, celles-ci demeurent comme les symptômes d’une Terre malade où la paix recule. Le monde est moins pacifique qu’il ne l’était encore en 2008. Les conflits violents ont augmenté de façon dramatique depuis 2010 et ils n’ont jamais été aussi nombreux, estime la FAO. Guerres civiles et hostilités internes sont désormais plus nombreuses que les confrontations militaires entre les États. La belligérance au sein même des nations prévaut. Ses victimes inconnues ne portent aucun uniforme. Les réponses données à ce nouveau désordre du monde sont surtout humanitaires, alimentaires et sanitaires, relève la Fao. Tout en soulignant leur carence. Tant elles devraient concourir à rétablir la paix, à restaurer aux populations leurs moyens d’existence et capacités de résilience.

Dominique Martin

Novembre 2017