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« Big Data is watching you »in the closet

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Savez-vous le propre de l’homme? Il n’est pas fiable. Dans l’ère robotique qui s’ouvre devant nous humains, ce défaut de conception devient de plus en plus gênant, voire rédhibitoire. Pas de souci, il sera bientôt corrigé par une connexion haut débit en illimité avec l’intelligence artificielle. Cette nouvelle divinité en charge de notre futur ne sait ni feindre ni mentir, pas encore. Faute de mise à jour, l’homme archaïque reste lui victime de son cerveau et de sa biologie qui n’ont rien de l’électronique d’un ordinateur. La mémoire sélective, l’art de pécher par omission, les petits arrangements avec soi-même, la dissimulation sous le tapis, voilà bien les limites du vieux logiciel humain lorsqu’il s’agit de répondre de ses actes. Ces bugs infectent le quotidien des scientifiques penchés sur nos pratiques alimentaires, tout particulièrement lorsqu’ils tentent de repérer les comportements erratiques de leurs semblables virosés aux malwares du diabète, du surpoids et de l’obésité. Toutes les enquêtes déclaratives censées reconstituer ce que nous ingérons sont entachées de grandes auréoles d’erreurs, de cette distorsion de la réalité dont l’espèce humaine est la spécialiste. Elles se résument à des pis-aller, faute d’échantillonner le trafic digestif à la source ou à son embouchure. C’est la tâche courageuse à laquelle se sont attelés les chercheurs de l’Imperial College London: relever la lunette et porter un regard inquisiteur en direction de cette lune à décrocher. Notre corps est une belle machine qui émet quotidiennement son flux de données. Mais hélas tout est perdu: au lieu d’alimenter les tuyaux de la science et ses lumières, les datas s’écoulent abjectement dans les sombres canalisations du tout à l’égout. Ce que montrent les travaux de la sérieuse et vénérable université britannique est qu’il suffirait de connecter ce flux à un terminal d’analyse pour éclairer enfin la face cachée de nos comportements alimentaires. Un simple test d’urine, voilà qui remplacerait des tonnes de questionnaires rébarbatifs aux réponses peu fiables pour savoir si notre alimentation est équilibrée. Ce test serait une vraie photo du profil diététique de ce que nous mangeons : sucre, gras, protéines, fibres, etc. Matin, midi et soir, trois jours durant, dix-neuf volontaires ont offert leur urine à la science pour que les chercheurs calent leurs équations à partir des centaines de métabolites analysés dans le liquide de couleur or. La fiabilité a ensuite été éprouvée sur une cohorte de patients impliqués dans des études précédentes, près de trois cents sujets des couronnes britanniques et danoises dont on avait conservé des fioles d’urine et enregistré les régimes au quotidien. Si la précision reste à affiner, les chercheurs sont optimistes. Selon eux, le test serait disponible d’ici deux ans. On imagine le développement industriel qui s’en suivra. Hardware pour recueillir les données, sous forme de toilettes intelligentes et connectées. Et pour le software, des alertes postées à jet continu sur votre smartphone. Mais gare au bénéfice que certains pourraient retirer de possibles fuites d’infos urinaires. Des datas brokers pourraient vendre ces flux de données intimes à votre assureur ou aux marchands de régimes du net. On nage en pleine science miction.

Dominique Martin

Février 2017