Léonce Wing-Kong

_MG_6644 BDcopieCet homme a changé la destinée de centaines de familles. A Madagascar, il dirige et gère l’ASA : Ankohonana Sahirana Arenina. Trois mots qui disent réinsertion de familles en grande précarité. En français, la seconde langue du pays, le sigle de cette association semble vouloir dire Aide aux Sans-Abri. Mais pour tous ceux qu’il sort de la misère et de la rue, il n’a qu’un sens, très concret, celui du mot « asa » qui en malgache signifie travail.

Rien ne prédisposait Léonce Wing Kong à devenir « opérateur social », comme il se définit lui même. Universitaire au français impeccable, ce Malgache de 48 ans appartient à l’élite intellectuelle d’un pays parmi les plus pauvres du monde. Ici, la moitié de ses 17 millions de compatriotes vivent avec moins de 1 dollar par jour. La grande richesse de ce peuple est sa culture unique, incroyablement complexe, nourrie au fil de 15 siècles de diverses vagues de peuplements, d’abord d’origine indonésienne qui a formé la langue malgache, puis africaine, arabe, asiatique, indo pakistanaise et enfin européenne. Ainsi, Léonce doit-il son prénom à la parenthèse française de l’île. Son nom lui vient de Chine comme son père. Et sa culture de sa mère, née sur la côte Est de l’île. A sa naissance en 1959, ses parents tiennent une petite épicerie dans la capitale Tananarive, aujourd’hui appelée Antananarivo. Un an plus tard, Madagascar accède à l’indépendance après 65 ans de colonisation française. Léonce passe toute son enfance à Tana où il étudie en français jusqu’au certificat d’études. A l’époque, l’influence de la France continue d’être très forte :

En 1988, le jeune étudiant en histoire veut devenir enseignant, trouver un poste dans l’administration publique. C’est le rêve de beaucoup ici : « On a inculqué dans la tête des jeunes qu’il faut être dans le tertiaire. Or, c’est faux. L’avenir de Madagascar est dans la révolution verte, dans la campagne en devenant des professionnels des métiers ruraux.» Un homme a changé le destin de Léonce. Jacques Tronchon, le Frère Jacques. Ce franciscain est professeur d’histoire à l’université de Tana. En 1987, le franciscain sympathise avec un couple de Malgaches qui accueillent des sans-abri sur un ancien terrain militaire à l’est de la capitale. «Un jour, raconte Léonce, il m’a emmené sur ce lieu d’accueil et j’ai flashé .» En 1991, le frère Jacques Tronchon, Léonce et une poignée d’amis malgaches créent l’accueil des sans-abri avec l’aide du Comité Inter-Franciscain de Madagascar. En 1994, Léonce constitue une équipe de permanents et l’année suivante celle-ci accueille une quinzaine de familles dans un premier centre d’action sociale aménagé sur un terrain militaire à Mahavelona en banlieue sud-est de la ville. Ce centre, dénommé Casa 1, sert aujourd’hui de tremplin aux familles engagées dans le programme de réinsertion. « Très tôt, nous avons pensé constituer des villages de migrants qui acquéraient progressivement leur autonomie par l’agriculture. L’Etat avait fait l’expérience avec de jeunes chômeurs mais cela n’avait pas marché. Le problème, si on veut vraiment aider ces populations démunies à s’en sortir, c’est qu’il faut les encadrer. » Léonce propose alors un programme de réinsertion en trois phases au terme duquel les sans-abri regroupés en promotion puis en villages deviendront des paysans sur leur propres terres. Ce schéma, aujourd’hui rôdé, a déjà vu défiler onze promotions.

A l’époque de sa mise en place, c’est une totale aventure. D’abord il faut trouver les terrains. « Lors des premières prospections, nous n’avons rien trouvé dans les environs de Tana ni sur la côte Est. Puis, en 1996, nous avons appris que des terres étaient disponibles dans le Bongolava, région située dans le Moyen Ouest. Nous avons fait la demande à l’Etat pour 5000 ha.» Cette région de savane n’est accessible que par une piste de 60 km quasi impraticable durant la saison des pluies. Après dix ans, le bilan n’est pas parfait. « Nous avons pu stabiliser les populations. Chacun a essayé d’exploiter ses talents. L’un de la première promotion possède une dizaine de zébus, l’autre n’en a plus. » Léonce a appris a devenir patient : « Tous les zébus qui dorment ensemble ne se réveillent pas en même temps ».

© Dominique Martin – novembre 2007

Portrait en version intégrale visualisable ci-dessous :

 

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